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Photo du rédacteurAntoine C.

Explorer les profondeurs d’Internet dans un modèle colonialisme

[Capsule éducative]


Vous y êtes allé des dizaines de fois aujourd’hui et ça semble fonctionner tout seul. Cette affaire a en réalité une histoire et une structure bien définie, une sorte d'anatomie. Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemble Internet lorsque l'on ouvre le capot et qu’on regarde ses rouages ?


Cette discussion suscite souvent l'intérêt des étudiants et clients, car ce sont des choses que l'on tient pour acquises et que j'explique régulièrement. C'est un sujet intéressant car on a souvent l'impression que cela se fait automatiquement, que ce soit sur votre téléphone ou sur votre ordinateur.


Un peu d’histoire.

Internet trouve ses origines dans les années 1960, lorsque le gouvernement américain, à travers l'Advanced Research Projects Agency (ARPA), maintenant connu sous le nom de DARPA, a lancé un projet de recherche visant à créer un réseau de communication robuste et décentralisé. Ce projet, connu sous le nom d'ARPANET. Rapidement, des informaticiens ont été embauchés dans les premiers laboratoires informatiques aux États-Unis, sur la côte est et la côte ouest, où des étudiants travaillaient également. Dans les années 70, c'était l'époque de la contre-culture américaine, et ces personnes ont rapidement perçu le réseau comme une machine à communiquer ouverte. Au cours de cette décennie, des protocoles de communication et des technologies clés ont été développés, tels que le courrier électronique (e-mail) et le transfert de fichiers (FTP), qui ont contribué à la croissance rapide d'Internet.


Les années 1980 ont vu l'émergence de réseaux informatiques locaux (LAN) et la création de l'Internet Engineering Task Force (IETF), chargée de développer et de standardiser les technologies Internet. En 1989, Tim Berners-Lee a proposé un système de gestion de l'information basé sur l'hypertexte, qui allait devenir le World Wide Web (WWW).


Les années 1990 ont été marquées par l'expansion rapide d'Internet dans le monde entier, avec la création de navigateurs Web conviviaux comme Netscape Navigator et Internet Explorer. En 1993, le premier navigateur Web grand public, Mosaic, a été lancé, ouvrant la voie à la popularisation d'Internet auprès du grand public. Google Chrome, lancé en 2008, s'est rapidement imposé comme l'un des navigateurs les plus populaires, grâce à sa rapidité, sa simplicité d'utilisation et ses fonctionnalités avancées telles que la synchronisation des données entre les appareils et le support des applications Web progressives.


Depuis lors, Internet n'a cessé de croître et d'évoluer, devenant un élément essentiel de la vie moderne. Son impact sur la communication, le commerce, l'éducation et de nombreux autres domaines est immense, et il continue de façonner notre monde de manière profonde et rapide.


Non, le Web n'est pas Internet.

C’est plutôt une application d'Internet. Internet est un vaste réseau mondial de réseaux informatiques interconnectés qui permettent aux dispositifs de communiquer entre eux. Le Web, en revanche, est un système d'information qui fonctionne sur Internet et permet d'accéder à des ressources telles que des pages web, des images et des vidéos à l'aide de navigateurs web. Le Web est l'une des nombreuses applications d'Internet, qui comprend également le courrier électronique, le partage de fichiers, la messagerie instantanée et bien d'autres services.

Le web peut être comparé à un iceberg, où seule une petite partie est visible à la surface, tandis que la plus grande partie est cachée sous l'eau.

La partie visible représente le Web Surface, qui est indexé par les moteurs de recherche et facilement accessible par tout utilisateur d'Internet. C'est là où se trouvent les sites Web, les médias sociaux et d'autres contenus que nous utilisons quotidiennement.


Sous la surface se trouve le Web Profond (Deep), qui comprend des données non indexées par les moteurs de recherche et qui nécessitent souvent des identifiants ou des autorisations spécifiques pour y accéder. Cela peut inclure des bases de données privées, des comptes de messagerie protégés par mot de passe et d'autres contenus non publics.


Enfin, au plus profond, se trouve le Web Obscur (Dark), une partie clandestine et souvent illégale d'Internet. C'est là où se trouvent les activités criminelles en ligne, les marchés noirs et d'autres contenus sensibles qui ne sont pas accessibles sans l'utilisation de logiciels spécialisés.



Exemples :


Web Surface : Des sites Web comme Wikipedia, Amazon, des blogues et des sites d'actualités font partie du web surface. Ils sont facilement découvrables en utilisant des moteurs de recherche et accessibles avec des navigateurs Web classiques.


Web Profond : Les comptes de messagerie protégés par mot de passe, les bases de données privées utilisées par les entreprises comme votre institution financière, le contenu sur abonnement et les ressources académiques font partie du web profond. Ils nécessitent une authentification mais ne sont pas intrinsèquement illégaux.


Dark Web : Les sites Web avec des domaines ".onion" sur le dark web, comme les marchés illégaux vendant des drogues, de la fausse monnaie et des données volées, sont tristement célèbres. 


Cependant, le dark web héberge également des sites légitimes pour la communication axée sur la confidentialité et le partage d'informations. Le dark web peut être utilisé par des lanceurs d'alerte et des activistes pour communiquer de manière sécurisée et protéger leur identité contre la surveillance gouvernementale ou d'autres menaces. 


TOR, abréviation de The Onion Router, est un réseau décentralisé de serveurs volontaires qui permet aux utilisateurs de naviguer sur Internet de manière anonyme. Dans le contexte du Dark Web, TOR est souvent utilisé pour accéder à des sites Web cachés et pour protéger l'identité et la localisation des utilisateurs. TOR utilise un système de routage en couches, d’où son nom, pour masquer l'origine des requêtes Internet. Cette méthode rend difficile le traçage des utilisateurs et la détermination de leur emplacement géographique.

Souvent utilisé par les journalistes pour communiquer de manière sécurisée avec des sources sensibles, notamment dans des régions où la liberté de la presse est limitée. Par exemple, un journaliste pourrait utiliser TOR pour recevoir des informations confidentielles d'une source anonyme sans révéler l'identité ou la localisation de la source. Cela permet au journaliste de protéger la sécurité et la confidentialité de ses sources, tout en continuant à travailler sur des sujets sensibles. Donc, dans certains pays où l'accès à l'information est strictement contrôlé, le dark web peut être utilisé par les citoyens pour accéder à des informations censurées ou restreintes.


De plus, certains chercheurs utilisent le dark web pour étudier les comportements en ligne, les réseaux sociaux ou les marchés clandestins dans le but de mieux comprendre ces phénomènes et de proposer des solutions pour les contrer. 


Différences clés :


Accessibilité : Le web surface est facilement recherchable en utilisant des moteurs de recherche classiques. Le web profond est accessible mais n'est pas indexé par les moteurs de recherche, nécessitant des identifiants d'accès spécifiques. Le dark web est caché et accessible via des logiciels spécialisés.


Anonymat : Alors que le web surface offre un anonymat limité, le dark web garantit des niveaux d'anonymat plus élevés grâce à ses méthodes de cryptage et de routage.


Contenu : Le web surface contient des informations publiques et du contenu grand public. Le web profond comprend des données privées et confidentielles. Le dark web héberge à la fois du contenu légal et illégal, ce qui en fait un environnement complexe.


 

Les mutations de la communication et des technologies numériques

En s'intéressant à la dimension très concrète de l'Internet, on acquiert ensuite une meilleure compréhension des enjeux actuels tels que la circulation et la propriété des données personnelles, la gouvernance de l'Internet, et notre autonomie, ici au Québec, au Canada, par rapport à un Internet qui est principalement américain. En fin de compte, cela montre que l'Internet n'est pas virtuel, mais bien concret et tangible.


Effectivement, souligner l'autonomie des données est pertinent, tout comme on parle de l'autonomie alimentaire. Il serait intéressant de se pencher davantage sur cette question, car comprendre cela peut permettre de mieux appréhender de nombreux autres sujets.


J’ai dernièrement écouté un super bon balado où la professeur agrégé de communication sociale et publique de l’université du Québec à Montréal, Mélanie Millette, présentait Internet ayant aussi 3 types de couches  (ne pas confondre avec le Web et la métaphore du iceberg). 

Elle a structuré cela en trois couches superposées qui interagissent ensemble, un peu comme les couches de l'écorce terrestre ou les couches de la peau. Ainsi, la première couche est matérielle, la deuxième est logicielle et la dernière concerne les données.


Dans la première couche, dite matérielle, on retrouve tout ce qui constitue l'infrastructure physique d'Internet : les ordinateurs, les téléphones, les tablettes, les câbles, les poteaux, la fibre optique, les centres de données, etc. Ces composants forment le réseau physique qui transporte les données à travers le monde.Cette couche est la fondation d’internet.


La deuxième couche est logicielle, englobant tous les programmes, les codes et les protocoles qui permettent le fonctionnement des machines sur le réseau. Cela inclut des logiciels communs comme Excel, Word, iPhoto, ainsi que des logiciels libres comme la suite Linux. Elle englobe également les navigateurs web tels que Chrome, Firefox et Safari, qui permettent aux utilisateurs d'accéder et de naviguer sur le Web, ainsi que les applications de messagerie instantanée comme WhatsApp et Messenger, les clients de messagerie électronique comme Outlook et Gmail, et les services de partage de fichiers comme Dropbox et Google Drive. La couche logicielle inclut également les protocoles de communication tels que HTTP (Hypertext Transfer Protocol), qui permet le transfert de données sur le Web, et SMTP (Simple Mail Transfer Protocol), qui est utilisé pour envoyer des e-mails.


Enfin, la troisième couche, celle des données, est cruciale. C’est un espace dynamique où circulent une multitude de contenus. Elle comprend les publications sur les réseaux sociaux, les commentaires et les mentions "j'aime", qui représentent une partie importante des interactions en ligne. De plus, cette couche englobe les contenus multimédias tels que les images, les vidéos et les fichiers audio, qui jouent un rôle essentiel dans la communication en ligne. Les articles de presse, les blogs et autres contenus éditoriaux en ligne contribuent également à enrichir cette couche en fournissant des informations variées et pertinentes. En outre, les données personnelles telles que les profils d'utilisateurs des applications, les préférences et les historiques de navigation sont également présentes dans cette couche, soulignant l'importance de la protection de la vie privée en ligne. Enfin, les données de localisation et de géolocalisation, ainsi que les données financières et médicales, ajoutent une dimension supplémentaire à cette couche, en faisant de la couche des données un élément essentiel de l'écosystème numérique actuel.


En résumé, Internet est une structure complexe composée de couches interdépendantes : matérielle, logicielle et de données, qui ensemble forment le réseau que nous utilisons au quotidien. Cette architecture permet aux utilisateurs du monde entier de communiquer, de partager des informations et d'accéder à une immense quantité de ressources en ligne.



À qui appartient internet aujourd'hui ? 


Théoriquement internet n'appartient à personne en particulier, car c'est un réseau mondial décentralisé composé de nombreux réseaux interconnectés. Cependant, il est géré et réglementé par diverses organisations et entités, notamment des organismes de normalisation, des gouvernements, des entreprises privées et des groupes de la société civile. Certains aspects d'Internet, tels que les noms de domaine, sont réglementés par des organismes tels que l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), tandis que d'autres aspects, comme la réglementation des contenus en ligne, relèvent souvent de la juridiction des gouvernements nationaux. 


Effectivement, c'est une question importante qui a un impact sur notre vie en ligne. Si l'on examine la structure d'Internet en trois couches, on constate que la première couche, la couche matérielle, est composée des infrastructures physiques telles que les poteaux et les fils, qui appartiennent souvent à des entreprises. Aux États-Unis, par exemple, des entreprises comme AT&T et Verizon possèdent une grande partie de ces infrastructures, tandis qu'au Canada, des entreprises comme Bell, Rogers, Vidéotron et Telus sont les principaux propriétaires. Ces entreprises sont appelées des fournisseurs d'accès à Internet car elles possèdent les infrastructures nécessaires pour fournir l'accès à Internet.


En ce qui concerne la couche logicielle, on observe une dépendance croissante envers les États-Unis, où les géants de l'Internet, comme les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), adoptent des stratégies qui peuvent être qualifiées de colonialistes. Ils cherchent à acquérir d'autres entreprises pour consolider leur emprise sur Internet et sur les utilisateurs. 


Un paradoxe par rapport aux principes fondateurs d'Internet.


Cette logique impérialiste se manifeste notamment par l'acquisition fréquente d'entreprises par Alphabet (anciennement Google), qui achetait en moyenne deux entreprises par semaine en 2015. Ces géants du web cherchent à garder les internautes sur leurs plateformes pour en tirer profit, ce qui reflète une logique capitaliste et colonialiste contradictoire avec les idéaux qui ont présidé à la création d'Internet à ses débuts.


On est aujourd’hui bien loin de la vision des pionniers d'Internet qui le percevaient comme une machine ouverte et un outil de communication. L'idée était de partager et distribuer l'information, avec une forte préférence pour l'accès libre et gratuit aux données. Aujourd'hui, la tendance est plutôt à la privatisation et à la fermeture, notamment dans la gestion des infrastructures. L'accès au code source, aux algorithmes et à d'autres aspects clés est souvent restreint, ce qui contraste avec l'esprit initial de liberté et d'ouverture qui animait les débuts d'Internet.


En conclusion, Internet, tel un adolescent rebelle, a parcouru un chemin surprenant depuis ses débuts dans les laboratoires informatiques des années 70. De la vision utopique d'une machine à communiquer libre et ouverte, nous sommes passés à une réalité où la privatisation et la fermeture sont monnaie courante. Pourtant, comme tout adolescent, Internet reste imprévisible et plein de surprises, et son avenir réserve probablement encore bien des rebondissements. Restons curieux et ouverts aux évolutions de cette incroyable invention qui a révolutionné nos vies !



Références : 


  • "Exploring the Deep Web" sur le site de la BBC (https://www.bbc.co.uk/news/technology-19068437)

  • "What is the dark web? How to use Tor to access the dark web" sur le site de Wired (https://www.wired.com/2015/06/many-layers-deep-web/)

  • Galloway, Scott. The Four - Le règne des quatre : la face cachée d'Amazon, Apple, Facebook et Google. Mai 2018.

  • Moteur de recherche. "Les articles retournés chez Amazon, et les ampoules incandescentes." Épisode de balado avec Mélanie Millette sur l’anatomie de l’internet par Matthieu Dugal. Décembre 2021.

  • "The Darknet: A Short History" A look at the Internet's lurid underbelly -- your one-stop shop for weapons, drugs, and illegal pornography. By Ty McCormick, Africa editor at Foreign Policy from 2015-2018.https://foreignpolicy.com/2013/12/09/the-darknet-a-short-history/


Rapports et études :


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